Pas vraiment d’exotisme dans les BD et les livres illustrés de Pierre Christin, mais de nombreux voyages, des références littéraires ou picturales tout aussi nombreuses nourrissant des narrations comportant photos retouchées, gouaches, aquarelles, acryliques ou pastels d’artistes aux styles extrêmement différents. Pierre Christin publie ce qui constitue sans doute les tout premiers « romans graphiques » français dans les années 80 - tels L’Etoile oubliée de Laurie Bloom ou Lady Polaris, d’ailleurs proposés initialement chez des éditeurs généralistes -, un genre relevant du reportage dessiné qui fera école sous diverses formes ultérieurement.
Il fait deux fois le tour du monde ( une fois par l’hémisphère nord et les mégapoles, une fois par le sud et les déserts), ce qui donne L’Homme qui fait le tour du monde, en compagnie de Max Cabanes et Philippe Aymond. Puis il s’engage dans un inventaire assez systématique des rapports entre texte et image avec des ouvrages se situant doublement ailleurs : Les Correspondances, s’écartant de la BD aussi bien par leur format à l’italienne que par leurs sujets inhabituels (le déclin du rêve révolutionnaire dans Les Belles Cubaines avec Patrick Lesueur , la fortune naissante des Emirats Arabes dans Chez Les Cheikhs avec Jacques Ferrandez, le monde ferroviaire dans Trains de plaisir avec Jean-Claude Denis, une histoire apocryphe de la V° République dans le style des peintres « pompiers » avec Alexis Lemoine…). Car ces « correspondances » n’évoquent pas seulement des missives lointaines mais des liens secrets entre le graphisme et l’écriture. C'est-à-dire, par exemple, le travail de scénariste, tel qu’il peut s’incarner également dans L’Homme qui fait le tour du monde, ouvrage grand format issu d’un tour du monde de Christin lui-même et mêlant, avec deux dessinateurs, Max Cabanes et Philippe Aymond, toutes les techniques graphiques et narratives au service d’un suspense à la fois intimiste et informatif.