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STATUT [DU SCÉNARISTE]
Il y a souvent des larmes de crocodile versées sur les malheureux scénaristes de BD, moins payés, moins révérés, moins primés que leurs camarades dessinateurs. D’abord ce n’est pas vrai, sauf dans les queues pour les dédicaces, cas particulier où ils se révèlent en effet généralement infoutus de faire un gribouillis sympa, ce qui constitue un délit mineur mais sévèrement sanctionné par les organisateurs et les consommateurs. Ensuite, par rapport à leurs collègues d’autres arts mêlant écriture et visuel, les écrivains de bande dessinée sont en réalité très correctement traités. D’ailleurs, depuis longtemps déjà, ce sont plutôt les scénaristes — dont la production est mécaniquement beaucoup plus abondante que celle des dessinateurs- qui sont les pourvoyeurs, les convoyeurs voire les fossoyeurs de l’édition BD. Dans les réserves, ou même les dénigrements dont sont régulièrement victimes les plumitifs (de BD, de cinéma, de télé, comme l’ont été en leur temps les librettistes d’opéra, les dialoguistes, les paroliers, etc.), il y a le mythe de l’auteur complet fabriqué par Les Cahiers du Cinéma, qui ne correspond en rien à la qualité et encore moins au succès public des films, des albums, des séries télévisuelles. En revanche, la prééminence du scénario interchangeable et modulable, enfilant les épisodes comme les perles et recyclant ad nauseam ce qui a déjà eu du succès ailleurs, est l’un des facteurs d’affadissement de la bande dessinée actuelle (ne parlons pas de la télévision ou de la comédie à la française au cinéma). En bref : le statut de scénariste n’est en rien comparable à celui de dessinateur (de comédien, de chanteur). D’ailleurs les scénaristes se considérant comme des artistes sont dieu merci assez rares et je n’en fais pas partie, faut-il le dire ? Que sont-ils donc, alors, ces pauvres bougres ? Des travailleurs du texte, comme il y a des travailleurs du sexe. Statut assez bas, si on veut, mais, en dépit des abolitionnistes de tout poil, irremplaçable.

 

SURDITÉ
J’ai trimballé toute ma vie mes problèmes d’oreilles, d’abord comme une menace, ensuite comme un fardeau. Mais en adoptant très jeune une ligne dont je n’ai pas dévié : je ne laisserai jamais ce truc gâcher ma vie, jamais je ne gâcherai la vie des autres avec ce truc. Alors j’ai fait avec, affublé de lunettes auditives sur le crâne alors que ma vue est excellente et que j’ai horreur de l’affectation. Mais bon, par les temps qui courent, tant de gens ont quelque chose dans les oreilles que je finis par passer inaperçu.